A quelques mois d'une échéance électorale majeure, la gendarmerie invente un nouveau concept à travers la mise en place de la « brigade territoriale de contact » (BTC).
Le but paraît simple, redonner aux personnels qui arment ces unités élémentaires l'occasion de renouer des contacts avec la population, à défaut d'en avoir l'envie ou la volonté, ajouterait-on. Tenue secrète dans une première phase, la communication s'est ensuite emballée sur la mise en œuvre de ces nouvelles unités.
Chaque organe de presse local -la presse nationale radiophonique ou télévisuelle reste mystérieusement muette à ce sujet- en a fait ses gros titres, à grand renfort de visites ministérielles. L'objectif louable de renforcer la qualité de la relation qu’entretiennent les gendarmes avec les élus et la population, dans le cadre d’un véritable service de proximité (sic) poursuivi par ces nouveaux dispositifs est, disons-le, une gageure institutionnelle. Les trente brigades territoriales concernées dans 28 départements de la France métropolitaine faisaient partie d'une communauté de brigades dont les effectifs étaient dimensionnés au plus près (voire en deçà, pour beaucoup d'entre elles) des contraintes opérationnelles et de sécurité. C'était, pour la plupart, des unités en voie d'extinction, dont la population n'excédait pas quelques centaines d'habitants, sans problème de sécurité particulier. Les gendarmes qui y servaient profitaient de l'occasion de travailler sur des structures plus importantes au chef-lieu, pour parfaire les fondamentaux du métier de brigadier en matière de constatation d'accident, de crimes ou délits ou plus simplement, de contraventions à la police de la route. Prendre des plaintes comme permanent de sécurité ou armer l'équipe de « premiers à marcher » leur permettaient de conserver le contact avec les réalités du quotidien d'une brigade territoriale classique. Or, en recentrant essentiellement et prioritairement ces nouvelles entités sur la recherche du renseignement et le contact avec les populations, en leur retirant toutes les enquêtes judiciaires et les interventions sur la circonscription qui devient la leur, on augmente la charge de travail de ceux qui restent au sein de la communauté de brigades, tout en privant les gendarmes des BTC, souvent jeunes en expérience, d'une formation absolument nécessaire pour apprendre les ficelles, nombreuses, d'un métier exigeant. En analysant les différents textes élaborés pour l'occasion (certains appellent cela des contrats opérationnels), le déséquilibre va encore plus loin. La cohérence d'une telle innovation, pour appliquer le fameux principe du gagnant-gagnant, aurait pu laisser penser que la nouvelle brigade de contact exercerait son activité sur l'ensemble de la circonscription de l'ancienne communauté de brigades. Il n'en est, à la grande surprise des gens de terrain, absolument pas question. Le rayon d'action d'une brigade territoriale de contact implantée sur une seule commune, n'exercera ses missions que sur cette seule commune. Les brigadiers de la communauté de brigades continuent à répondre aux appels des justiciables et à recevoir les plaintes.
Plus cocasse, sur les quelques communes qui restent sur le territoire qui leur est dédié, ils poursuivront à rechercher et à renouer le contact avec la population, sinon par volonté, à défaut par obligation, parce qu'ils seront confrontés toujours aux mêmes problématiques. Mais où la situation risque de devenir grotesque, c'est lorsqu'une BTC, en service régulier de « renouement des relations avec la population », sur leur commune, appellera les militaires premiers à marcher de la communauté de brigades pour constater un vol ou un accident, parce que cela n'entre pas dans le spectre des missions d'innovation et de conception de leur unité. On pourrait trouver cet exemple particulièrement caustique, s'il n'était pas déjà survenu à plusieurs reprises, dans certains endroits. Des groupements de gendarmerie départementale connaissent un « trou à l'emploi » importants (20% pour certains), des brigades territoriales autonomes ou des communautés de brigades rencontrent des difficultés pour remplacer les personnels manquants, des escadrons de gendarmerie mobile effectuent des déplacements avec une ressource des plus faméliques et, parce que l'on trouve ce principe innovant, on prélève sur les miettes des piliers de l'Institution qui demeurent encore, des dizaines de postes pour « rendre présence et visibilité à la gendarmerie nationale, en particulier aux petites brigades" en les détournant, au profit de quelques dizaines d'habitants qui n'en demandaient pas tant. Le maillage du territoire national, depuis le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l'intérieur n'est plus une réalité. Peu à peu, les brigades dans les villes où l'on trouvait un commissariat de police, ont été dissoutes. Les effectifs, à la baisse, permettaient à peine de faire face à l'augmentation exponentielle de la délinquance et des missions chronophages, là où la gendarmerie exerçait sa pleine et entière compétence territoriale. Les efforts de recrutement tardent à produire leurs effets, d'autant qu'ils ne compensent que très passablement les départs volontaires ou par limite d'âge. Et plutôt que renforcer des unités élémentaires qui cristallisent toutes les misères sociales et économique d'une société française au bord du chaos, on prélève plusieurs dizaines de gendarmes de brigades, renforcés par des réservistes, pour créer un concept qui se voudrait innovant et qui s'accompagne de matériels et de véhicules, neufs bien évidemment. Et non seulement, ces « brigadiers 3.0 » ne s'impliquent plus dans les enquêtes judiciaires ou administratives, mais ils sont suppléés en cas d'indisponibilité par les camarades de la communauté de brigades à laquelle ils n'appartiennent plus . On est en droit de s'interroger sur les raisons d'un tel dispositif, d'autant que tous les gendarmes de terrain, tous grades confondus, confrontés à cette nouveauté sont unanimes, c'est d'un anachronisme insensé. Voici donc quelques semaines que ces dispositifs ont été mis en œuvre. Les retours sont décevants. Certains parlent d'un jouet (encore un) du commandant de compagnie qui bénéficie d'une ressource complémentaire, d'autres d'un feu de paille qui ne durera que quelques mois, enfin les moins optimistes d'une tentative angélique d'exister. Le plus grave est la perte pour les commandants d'unité d'un potentiel humain qui permettait de faire fonctionner leur unité. Ils en sont rendus aujourd'hui à tenter de convaincre ceux qui restent dans leur unité, que cette expérimentation ne durera que six mois. Sauf que pulsar a déjà intégré le divorce en supprimant le code unité individuel de leur organigramme. Il faut plutôt remettre en perspective ce qui a toujours été le moteur des chefs, laisser une trace de leur passage. Puisqu'il faut en passer par là, formons le vœu que d'autres innovations du même tonneau ne viennent assombrir le ciel déjà bien nuageux des brigadiers. Comme nous nous voulons une force de propositions, nous soumettons à la sagacité de ceux qui savent qu'ils commencent par écouter ce que les gendarmes de terrain peuvent solliciter avant de décider unilatéralement ce qui « est bon pour l'exercice de leurs missions quotidiennes ».
Ils auraient sûrement appris qu’il suffirait de réduire les tâches indues ou les services imposés tout en comblant les mutations rapidement pour que les gendarmes de brigades retrouvent le temps de rentrer en contact avec leurs concitoyens.
Commander c'est prévoir ! Espérons que la baisse de l'activité des 30 communautés de brigades impactées par ce dispositif a été anticipée.