top of page
Rechercher

L’ombre du Général De Villiers plane sur la commission des finances !

Photo du rédacteur: AdministrationAdministration


S'il existe des exercices compliqués lorsqu'un chef suprême d'une administration est entendu par une commission de parlementaires, celui qui s'est déroulé le 18 juillet 2017 à l'assemblée nationale a atteint le sommet en matière « d'avalage de couleuvres ». Tout juste quelques jours s'étaient écoulés depuis l'audition, devenue célèbre, du Chef d'Etat major des Armées qui a ensuite conduit à une crise ouverte avec le Président de la République, que les directeurs généraux de la police et de la gendarmerie se voyaient invités pour expliquer comment ils allaient gérer les fameuses réductions de budget annoncées, par médias interposés, par le gouvernement. Même si le montant non alloué à l’intérieur est bien moindre que celui retiré aux Armées, la gageure a été de demander à deux dirigeants de tenter d'expliquer à des spécialistes du budget de l’État, en quoi ces coupes sombres n'amoindriraient pas la capacité opérationnelle de leurs unités ou services. C'était là, toute la complexité à laquelle le général Lizurey et le Directeur Falcone ont du faire face durant plusieurs heures.


Si en préliminaire, ils ont tout deux exposé, avec beaucoup de précautions verbales, ce qui a été fait en 2016 et depuis le début de l'année 2017, grâce aux augmentations consenties après des années de disettes, ils se sont ensuite livrés à une énumération des montants dans un dialogue d'abréviations plus énigmatiques les unes que les autres, sans jamais donner les pistes qu'ils avaient retenues pour atteindre l'objectif fixé par le gouvernement. C'était sans compter sur la perspicacité de vieux parlementaires roublards et aguerris aux pratiques budgétaires. Les députés, le président de la commission en tête, ont tous relevé que les deux directeurs généraux, dans leurs propos liminaires, n'avaient pas expliqué dans quels secteurs ils allaient abandonner des projets pour atteindre les objectifs fixés. D'ailleurs, en écoutant les différents montants énoncés par l'un ou l'autre, il faut tendre l'oreille pour découvrir que la Gendarmerie devra rendre 111 millions en autorisation d'engagement de dépenses et 90 millions en crédits de paiement.

Certains députés ont réclamé des précisions. Jean-Louis Bourlanges déclare avec beaucoup de lucidité : « les explications des deux directeurs sont déconcertantes. On a entendu le CEMA qui nous a dit qu'avec l'annulation de ses crédits, il ne pouvait plus rien faire, donc crise et vous nous dites qu'il n'y a aucun problème, toutes les fonctions essentielles sont maintenues. Il y avait donc une sur budgétisation initiale, votre communication consiste à dire je ne vais pas vous dire ce que j'enlève, je vais vous dire ce que je maintiens. » Charles de Courson, plus technique et avec humour, ajoute : « vous ne touchez pas au T2 (entendez masse salariale) – pour la Police, sur 1,102 milliards, il vous reste 350 millions, on vous abat 110 millions, 1/3 au 11 juillet , comment allez-vous tenir pour aller à la fin de l'année ? Gendarmerie, sur 1,318 milliard, il vous reste 400 millions et vous devez en rendre 90 millions, permettez moi de vous dire vous ne tiendrez pas. Simplement à combien estimez vous les reports budgétaires ? » Suivent les questions pertinentes de plusieurs députés qui s’inquiètent de savoir si la sécurité des français sera préservée. Pour finir, Patrick Hetzel interpelle le directeur de la gendarmerie : « Vous allez vous concentrer sur le Hors T2, matériels et immobilier – j'ai juste une anecdote à vous raconter concernant les pneumatiques de ma brigade de gendarmerie. Les gendarmes ne peuvent pas verbaliser les pneus lisses parce que les leurs le sont également. Ils sont à l'os et je vous invite à venir vous rendre compte sur place. Considérez-vous mon général, que votre matériel est en état de fonctionner ? Le débat est comment pouvons nous faire que vous puissiez disposer de moyens pour assurer la sécurité de nos concitoyens ? »


Légèrement gêné, le Général Lizurey explique : « je me suis mal fait comprendre » (pourtant, à bien écouter son propos liminaire, ça paraît clair, il ne dit pas que l'annulation d'une partie du budget va être préjudiciable à la gendarmerie !). « J'ai dit que je faisais des choix et qu'il fallait préserver l'essentiel et je l'ai cité. Je n'ai pas le détail absolu. Nous nous sommes organisés en début d'année sur une répartition équitable, équilibrée du Gel de 8% sur la totalité des lignes budgétaires. » suivent toute une série d'observations, de commentaires très techniques sur l'anticipation par les BOP déconcentrés (comprendre : Budgets opérationnels de programmes des régions de gendarmerie ou de grands services) où il est expliqué à la commission que ces entités sont en mesure d'absorber cette annulation (dans quels secteurs ? Personne n'en saura plus).


Il aborde enfin la question des loyers, qui pour ceux qui l'ignorent encore demeurent le point noir, chaque année, du budget de la gendarmerie.


Laissons lui la parole : « Reste la question des loyers, ils ont été gelés à hauteur de 8 % au même titre que le reste. Cela fait partie des propositions d'annulation, ce qui va créer un report de charges pour 2018. La question qui est posée, quel est le montant estimé du report de charges pour l'année prochaine. Je l'estime à hauteur d'une centaine de millions d'euros, sous réserve du dégel du reliquat qui aujourd'hui est de 37 millions d'euros en CP (crédits de paiement). Doit-on comprendre qu'en l'absence de la levée du reliquat de CP, il y aura un report de charges de 137 millions d'euros ?


Le président, avec pertinence indique que le report de charges correspond à l'annulation de crédits. Le général opine, en ajoutant toutefois que le report de charges de 2017 est déjà compris dans le report de charges de 2018, 65 millions d'euros, une bagatelle ! On peut donc en déduire que cette somme va s'ajouter au report de charges de 100 millions ? Nul ne le saura, sauf à examiner précisément le futur compte budgétaire de l'assemblée. Passant très vite aux mesures qu'il compte prendre pour atteindre l'objectif fixé par le ministre du budget, il énumère les programmes qui seront « lissés » dans le temps, comme le sur-blindage des véhicules dans l'Outremer, (les gendarmes y servant, seront satisfaits d'apprendre que leur sécurité passe en second plan) un certain nombre de programmes immobiliers (lesquels ? Les gendarmes et les familles qui attendaient depuis des années qu'on fasse une rénovation ou une nouvelle construction vont apprécier de savoir, entre deux portes, qu'ils doivent continuer à vivre dans l'insalubrité ou l'insécurité), des imprimantes (il aurait fallu en acheter une montagne pour combler une telle annulation de crédits) ou des plans de sauvegarde. Se voulant certainement optimiste, il rappelle au député qui a parlé des pneumatiques de sa brigade, que 3000 véhicules ont été achetés en 2016, qu'autant sont commandés pour 2017 et qu'il s'agit d'un rattrapage de plusieurs années difficiles en terme de renouvellement du parc automobile. Il finit en affirmant qu'il effectuera une « fongibilité asymétrique » du poste T2 (masse salariale) à hauteur de 10 millions d'euros, en reportant les recrutements de la garde nationale. Comme personne ne connaît vraisemblablement les arcanes de ce projet, aucune objection n'est soulevée. Aurait-il été incongru que le directeur de la gendarmerie donne le montant qui était réservé à la future garde nationale dans le budget pour 2017 ? Enfin, répondant à une question du Président de la commission, il estime que la capacité horaire des personnels a baissé d'environ 6%, en raison de la décision de la Cour Européenne des Droits de l'Homme. Il clame, à l'unisson avec son homologue de la police nationale, que ces annulations de budget n'auront aucune incidence sur la capacité opérationnelle des forces de l'ordre. Qui peut croire à cette démonstration ? Certainement pas les militaires détachés ou envoyés en mission qui perçoivent avec plusieurs mois de retard des indemnités pour lesquelles ils doivent fournir, eux, des justificatifs dans la limite du plafond légal de remboursement. Y aura-t-il également dans ce domaine, un report de charges ?


Si la partie très technique des différentes allocations laissent dubitatifs les ignorants du montage d'un budget, il ne fait aucun doute que lorsque l'on annule des crédits dans un portefeuille, on s'apprête à diminuer quelque chose. C'est mécanique et indubitablement logique. La loi de finances et plus particulièrement le budget de chaque ministère est débattu et calculé au plus juste. La réserve, obligatoire en début d'exercice, sert depuis toujours à régler, sinon dans les temps, avec pas trop de retard, généralement les loyers pour la gendarmerie à partir du mois de septembre. Combien de collectivités locales ont du abandonner des projets pour faire face aux remboursements d'emprunt que la gendarmerie cessaient d'alimenter par le paiement des loyers ? Avec cette mesure injuste, la gendarmerie se prépare à reporter (dixit le directeur général) le paiement des loyers pour quelques mois. Ce report s'accompagne de suspension de certains programmes d'investissements. On peut comprendre que cela nécessite de faire des choix, mais doit-on pour autant exposer avec autant de placidité, que ces coupes sombres dans un budget déjà calculé au plus juste, n'apporteront aucune modification dans le fonctionnement au quotidien du ministère de l'intérieur. De plus, se présenter devant la commission des finances pour expliquer les mesures qui ont été décidées pour annuler une partie des crédits alloués, sans aucun chiffre précis, paraît très alambiqué.


On peut donc conclure en écoutant les deux directeurs généraux de la police et de la gendarmerie que la position du chef d'état-major des armées est isolée, car le ministère de l'intérieur n'a pas de difficulté particulière à annuler une partie de son budget. Le sort réservé au Général De Villiers a-t-il été, le déclencheur d'une panique chez les hauts fonctionnaires, rappelés à l'ordre de manière insidieuse lors d'une manifestation publique. La question est donc posée. D’autant que le porte parole du gouvernement en personne, sans aucune complaisance, l’a taxé de déloyauté. Il était donc prévisible que les chefs des administrations, touchés de plein fouet par une réduction de leur budget, s'identifient peut-être à ce Général cinq étoiles et tiennent un discours lénifiant devant la représentation nationale.


En attendant de ressentir au plus bas de l'échelle les premiers effets des choix de l'administration centrale pour atteindre l'objectif de « Bercy », la franchise aurait commandé d'avouer que ces annulations de crédits allaient placer les forces de gendarmerie dans une situation délicate pour terminer l'année 2017. Dire la vérité, dans ce cas précis aurait honoré ceux qui commandent des hommes et femmes qui payent un lourd tribut en vies humaines à la sécurité de leurs concitoyens !


Est-il encore présomptueux de rappeler à ceux qui décident du destin des français, que la loyauté n'est pas une valeur à sens unique ?


© 2025 par APNM Gendarmes et Citoyens

bottom of page