
Le rapport au nom de la commission d’enquête sénatoriale relative à l’état des forces de sécurité intérieure est tombé. Il dresse un état des lieux très objectif et complet des difficultés rencontrées au quotidien par les membres des Gendarmerie et Police Nationales. APNM Gendarmes et citoyens, par la voix de son président, y avait été entendue au mois de mars 2018.
Un état des lieux sans concession.
Le rapport, articulé en trois grandes étapes, consacre une large partie du diagnostic au malaise des fonctionnaires en tenue la Police Nationale. Les risques psycho-sociaux (RPS) sont largement développés. Les chiffres sont édifiants et les personnes interrogées relèvent l'absence de prise en compte de ce phénomène inquiétant, tant dans la Police que dans la Gendarmerie. Beaucoup mettent sur le compte de certains chefs de service une indifférence et un manque d'empathie. La solidarité et la coexistence des militaires de la Gendarmerie sont des vecteurs plus prégnants d'appréhension des RPS. Comme le gendarme vit en caserne, il semble que les situations, même si elles restent préoccupantes, sont mieux appréhendées. Si la manière de « manager » les gendarmes n'appelle aucune remarque particulière par les différents interlocuteurs auditionnés (membres CFMG, APNM, échelons concertés), l'état de vétusté des infrastructures et des moyens affectés fait l'objet d'une analyse reflétant parfaitement la réalité. Les propositions qui sont faites pour remédier rapidement sont pertinentes, mais irréalisables financièrement. Le rapporteur le reconnaît tout au long du document. Les retards budgétaires accumulés, en dépit des annonces fracassantes du ministre de l'intérieur et du Président de la République, ne seront jamais rattrapés, notamment pour le parc automobile et la réalisation de nouveaux casernements. Le rapport omet de souligner au passage l'obsolescence inacceptable du parc informatique. Peut-être s'agit-il d'un oubli involontaire ?
Des relations compliquées avec les membres du ministère de la Justice.
Le rapporteur met l'accent sur les relations compliquées avec les membres des autres administrations et en premier lieu avec les magistrats du ministère de la justice. Le constat est sidérant mais révèle les incompréhensions liées à certaines décisions judiciaires et aux carences de certaines juridictions concernant des pratiques révolues ou une absence de volonté de mettre en œuvre des procédés d'assouplissement des taches telles que la dématérialisation ou la visioconférence. De façon juste et fine, le rapporteur indique que la procédure pénale, complexifiée et rigoureuse, oblige les enquêteurs à passer la majeure partie de leur temps à la rédaction de procès-verbaux au détriment d'une présence sur le terrain. Il souligne que les deux institutions sont touchées par ce phénomènes et que 2600 policiers ont fait le choix de « rendre leur qualification d'officier de Police Judiciaire » à ce jour. Le malaise concernant les relations tendues avec les magistrats transpirent tout au long de ce diagnostic. Le rapporteur note que des mesures de simplification ne sont pas entrées en application, si bien que les agents les réclament toujours (circulaire de 2016) ! « Il faut tout de même regretter une certaine inertie de la police et de la gendarmerie nationale, qui n’ont mis en œuvre ni la possibilité de déroger à la règle selon laquelle tout acte doit donner lieu à un PV, ni celle de réaliser un PV unique de diligences pour la garde à vue, alors que les décrets ont été adoptés depuis deux ans ! » Les missions qualifiées d'indues par les intervenants, sont également détaillées. Allant de l'établissement des procurations en passant par les « impossibilités de faire » de l'administration pénitentiaire en matière de transfèrements de détenus, le constat est à l'image des dysfonctionnements qui remontent du terrain. Le Général Lizurey a d'ailleurs déclaré : « ... dans de nombreux cas, on demande quand même aux gendarmes de l’assurer. Nous avons au quotidien des magistrats qui emploient des termes menaçants à l ’égard des commandants de groupement ou de région, avec des termes discourtois, ce qui influe indéniablement sur le moral des troupes. » La franchise de tels propos tenus devant les sénateurs par le Directeur Général est à souligner. Si le statut des Polices municipales est évoqué, il faut retenir que le rapport dresse un tableau plutôt sombre de leurs compétences. Les relations entre les maires, chefs de la police sur leur commune et les forces de sécurité sont, par endroit, tendues ou inexistantes.
Le fossé s'est creusé entre les forces de sécurité et les organes de presse et la population.
Le troisième volet de l'analyse aborde l'image que renvoie la presse de « soit-disant bavures policières » et plus généralement des relations entretenues avec la population. Là aussi, l'analyse faite par les intervenants est sans appel. L'uniforme n'est plus respecté. La Gendarmerie ne semble pas avoir été sollicitée puisque cette partie ne concerne que la Police Nationale.
Des propositions pertinentes dont quelques-unes seulement concernent la Gendarmerie.
Outre la qualité des entretiens réalisés à l'occasion de cette commission d'enquête, on doit retenir que sur les 30 propositions rédigées par les sénateurs, seules quelques-unes concernent la Gendarmerie Nationale. Le malaise qui monte chez les fonctionnaires de la Police Nationale pourrait s'apparenter à ce qui a été vécu en 1989 et en 2001, dans l'Arme. Et même si certains hauts responsables des deux Institutions ont estimé que le malaise ne gardait qu'un caractère ponctuel, l'inquiétude demeure toutefois sur plusieurs volets qui ont été largement développés. Les risques psycho-sociaux sont par nature liés à l'activité professionnelle. Ils sont abordés d'une manière différente dans les deux composantes du ministère de l'intérieur. Un véritable plan « Marschall » doit être mis en œuvre très rapidement. L'état de vétusté de certains logements et plus généralement la gestion aléatoire d'une région de gendarmerie à une autre des infrastructures immobilières doivent être pris en compte urgemment. La multiplication des taches dites « indues », le sentiment d'exercer souvent un métier dont l'utilité prête à caution et la subordination à une Justice dont on ne comprend plus certaines décisions doivent conduire le gouvernement à passer aux actes. Enfin, le manque de considération de la part des organes de presse et plus généralement de la population, élus inclus, doit faire l'objet systématiquement d'une réponse ferme de la part du Ministre de tutelle, en cas de mise en cause d'un membre des force de sécurité.
Une application immédiate de certaines propositions pour redonner confiance.
APNM Gendarmes et Citoyens salue la qualité des échanges et la relation qui est faite des auditions circonstanciées de chaque intervenants. Elle souhaite que les propositions formulées dans ce rapport soit d'application immédiate et qu'il ne faille pas encore attendre que d'autres commissions les décortiquent durant plusieurs années. APNM Gendarmes et Citoyens regrette que la réforme en cours des retraites n'ait pas été abordée dans ce rapport. Selon les décisions qui seront prises à ce sujet, bon nombre de gendarmes s'interrogeront sur la pertinence de poursuivre leur mission sans réelle compensation. Il importait de clarifier les mesures qui sont projetées pour les membres des forces de sécurité qui exercent un métier contraignant, difficile et impliquant leur intégrité physique.