En préambule, il s’est décerné un satisfecit concernant le bilan sécuritaire de son quinquennat et s’est également félicité de la loi sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme « qui a permis de sortir de l’état d’urgence sans désarmer nos services et la protection de nos concitoyens ». Au sujet de la procédure pénale, il a appelé à une « simplification drastique » de la conduite des enquêtes. « La lourdeur des procédures est l’ennemi commun aux forces de sécurité de nos magistrats », a-t-il souligné. Et d’ajouter : « Derrière ces piles de papiers, il y a du temps excessif passé, des procès qui prennent trop de temps. » Etonnement, il s’est adressé directement au garde des sceaux en lui intimant l’ordre de lui proposer « d’ici trois mois des mesures très concrètes ». Ces mesures devraient intégrer les états généraux de la justice qui sont prévus dans les semaines à venir.
Le chef de l’État a également réinventé le concept de la loi de programmation pour la sécurité intérieure. Cela consistera à repenser « une police qui doit faire face aux nouvelles formes de délinquance qui pullulent dans l’espace numérique, les escroqueries digitales, la cybercriminalité ». Il a annoncé que cette nouvelle loi devrait être présentée début 2022. Quand on connaît le parcours d’un texte de loi, on a de quoi être circonspect, d’une part et qui sera chargé d’appliquer cette loi de programmation, d’autre part ? Concernant le cyberespace de travail, quelqu’un a-t-il pris le soin de l’informer que la Gendarmerie est depuis longtemps à la pointe technologique en la matière ?
Parmi les mesures concrètes destinées à lutter contre l'insécurité au quotidien, le chef de l’état a évoqué les cycles horaires, un terme qui s’adresse essentiellement à la police nationale. Par méconnaissance certainement, afin d'améliorer la rotation des équipes, en agissant sur leur temps de travail et pour leur permettre d'être plus efficaces sur le terrain, il a annoncé vouloir « doubler en dix ans la présence des policiers et gendarmes sur la voie publique ». Si ça s’adresse à la Gendarmerie, cette disposition serait ubuesque puisque la statistique en la matière est d’environ 60% de services à l’extérieur par gendarme de brigade. Cela revient à dire qu’il effectue sur une journée de 8 huit heures, environ 5 heures à l’extérieur. Si l’on doit doubler ce chiffre, on obtient un résultat absurde, sauf à augmenter les plages horaires de chaque militaire. En fait, en filigrane, sa décision concerne les policiers en premier lieu. Il a souhaité que « chaque policier et chaque gendarme sur le terrain puissent être équipés d'une caméra individuelle » d'ici fin 2022. Au passage, il a déploré que celles qui avaient été commandées (par qui ?) ne répondaient pas aux nécessités technologiques du moment et qu’un nouveau marché allait être passé pour des appareils plus fiables.
Vivement critiquées lors des manifestations d’il y a bientôt trois ans, les unités de forces mobiles ont été invitées à travailler sur le schéma territorial du maintien de l’ordre. Le chef de l'État a annoncé la création, en région parisienne, d'un « centre de formation » sur le maintien de l'ordre pour les policiers et les gendarmes. On peut légitimement se poser la question de l’utilité du Centre de Saint-Astier en Dordogne. Ou s’agit-il seulement de créer pour la police un clone ? « Ce nouveau centre permettra de constituer un vivier pour créer de nouvelles compagnies de CRS et escadrons de gendarmerie mobile pour répondre aux besoins. » a-t-il ajouté. La question étant de connaître la nature des besoins.
Concernant la formation des recrues, les chiffres qu’il a avancés sur les délais d’entrée en école après le concours semblent en partie inexacts, pour la Gendarmerie au moins. Il a évoqué deux ans d’attente alors que dans les faits c’est entre 9 mois et 1 an. S’agit-il encore d’une spécificité de la police ? Inscrire l’examen d’officier de police judiciaire dans le cursus des élèves-gendarmes semble relever du bon sens. Il s’agit de connaître précisément les modalités d’exercice ensuite, puisque cette qualification est soumise à habilitation du procureur général.
Il n’a pas oublié les victimes qui se verront très vite proposer un service de plainte en ligne. Pour connaître les difficultés de la pré-plainte qui existe aujourd’hui, on peut déjà imaginer le casse-tête qu’il vient d’imposer aux enquêteurs de brigade. Seul la date de mise en œuvre peut laisser entrevoir l’espoir qu’elle n’aboutira pas puisque le chef de l’état a souhaité cela pour 2023
Il a enfin abordé le sujet des contrôles internes en rappelant que les agents du ministère de l’intérieur étaient les plus sanctionnés des agents de l’état. Emmanuel Macron a confirmé vouloir la mise en place d'un « contrôle indépendant » de la police par un organe composé de parlementaires qui pourra « procéder à l’évaluation de leur action » (et sanctionner toute faute commise par un agent de terrain ?).
En conclusion, en prononçant ce discours de clôture, le chef de l’état s’est substitué au ministre de l’Intérieur. Il a fait des promesses et un constat qui se voulait certainement flatteur pour les forces de l’ordre. En insistant sur la qualité des hommes et des femmes qui composent les forces de l’ordre, de leur professionnalisme et de leur abnégation, il s’est prêté à un exercice de câlinothérapie qui ne trompe personne.
Ces mesures, pour la plupart, sont réclamées depuis des années par APNM Gendarmes et Citoyens pour la Gendarmerie. D’autres ne concernent à l’évidence que la police. Il n’a eu qu’à s’inspirer des nombreux communiqués de l’association pour en faire une synthèse. On peut s’en réjouir et ceux qui sont confrontés au quotidien à toutes les situations liées à la sécurité ont enfin la reconnaissance du chef de l’état. On a certainement eu raison trop tôt !
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