Le mois de février 2021 s’anime avec une lecture récente de la définition du temps de travail dans les Armées par la Cour de Justice Européenne. Le contentieux ancien est sur la table des magistrats à la suite d’un litige qui vise l’Armée Slovène (1) et l’un de ses anciens sous-officiers.
La règle de base ? Ne jamais sous-estimer un sous-officier !
C’est un vieux serpent de mer qui remonte à la surface puisque déjà en octobre 2017 le président de la République, Emmanuel Macron, chef des Armées fraîchement élu avait clairement indiqué que la transposition du Droit européen ne pouvait pas concerner les Armées et la Gendarmerie et que l’accumulation des normes de droit ignorait la singularité du métier de militaire avec le risque de réduire l’aptitude à l’engagement.
Nous aurions aimé une telle détermination avec l’alourdissement artificiel de la procédure pénale !
Toutefois la Gendarmerie, à qui on ne compte plus fleurette, sortait son Instruction provisoire n° 36132 le 8 juin 2016 en y intégrant des aménagements d’une partie des prescriptions européennes. La mesure la plus ostensible est le repos journalier d’au moins 11 heures consécutives par période de 24 heures.
L’administration a toutefois évité d’être trop rigide dans l’application des directives car si on évoque 48 heures de travail maximum par semaine, on indique aussi ce droit à …. une pause hebdomadaire de 24 heures par période de 7 jours.
Un jour de repos par semaine. Voilà une avancée sociale !
Les contre-arguments qui s’opposent au droit européen sont nombreux. La France par exemple indique que cela exigerait des besoins supplémentaires en personnels associant une hausse des dépenses militaires et que la directive 2003/88 est incompatible avec le principe de « disponibilité ». Vous savez cette aptitude à servir « en tout temps et en tous lieux » cet ADN scellé dans le Statut général des militaires. En outre, cela « banaliserait » le métier des armes en le rapprochant du travail des fonctionnaires civils.
Allez demander à un gendarme s’il est fonctionnaire ? Il va vous répondre quoi ?
Les motivations française et espagnole ne sont pas celles de nos voisins germains. Les arguments allemands sont audibles et c’est toute la richesse d’un débat. Leur point de vue fait valoir que les « militaires sont amenés à exercer, dans des conditions normales, au quotidien, bon nombre d’activités, souvent identiques ou semblables à des activités civiles qui ne présentent pas plus de particularités inhérentes que celles effectuées par des fonctionnaires. » En conséquence, « rien ne justifierait que les militaires soient exposés, davantage que ces fonctionnaires civils, à des risques pour leur santé et leur sécurité dans une telle situation. »
Yawohl !
On développe cette distinction entre le « service courant » et les activités dites « spécifiques » pour lesquelles la directive sur le temps de travail ne s’appliquerait pas. L’avocat général de la Cour de Justice Européenne (qui est un fonctionnaire) a cité les opérations extérieures et intérieures, ainsi que la formation initiale et la préparation opérationnelle, même si ces dernières sont exercées dans les conditions habituelles, conformément à la mission impartie aux forces armées.
La morale de l’histoire qui s’écrit aujourd’hui pour demain, c’est qu’à force de vouloir ressembler à un fonctionnaire on finit par le devenir ! Pourtant lorsqu’on intègre les Armées c’est pour être différent, avec une vision différente de l’engagement, même au quotidien.
N’oublions pas !
On ne peut écarter dans une lecture globale que les sujétions spécifiques du gendarme sont compensées par 45 jours de congés par an, un Logement Concédé par Nécessité Absolue de Service, 2 jours de repos par semaine et des dispositions au titre des autorisations d’absence. Un équilibre statutaire est toujours fragile et manipuler un domino peut s’avérer, à terme, très dangereux.
(1) 7000 militaires d’active
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