Rien de nouveau sous l’étendard gendarmerie (ou si peu).
Comme nous l’avions souligné en écoutant la présentation de ce rapport par les rapporteurs, Mme Gosselin-Fleury et M. Marleix, tout est fait pour rejeter la création de futures associations en présentant des exigences pratiquement impossible à atteindre ou rendant ces associations muselées dès le départ.
Ce rapport jugé court par M. Marleix propose tout de même 150 pages difficiles à ingurgiter et gageons que les parlementaires qui seront amenés à voter se contenteront de suivre le mouvement de leurs partis sans avoir lu le document. Il est d’ailleurs fort probable que cette loi sera votée en catimini, sans grand débat préparatoire, devant une représentation de parlementaires clairsemée sur les bancs du palais Bourbon. http://www.assemblee-nationale.fr/14/rap-info/i2745.asp
Environ deux tiers de ce rapport traitent de l’indispensable ajustement de la manœuvre des ressources humaines planifiée en 2013 pour la loi de programmation militaire 2014-2019. Nous passons sur cette partie du rapport faite de multitudes de chiffres et de jugements divers et variés donnés par les grands patrons de l’armée sans réelle consultation de la base. Nous retiendrons qu’à chaque page la déflation des effectifs est citée. Elle doit être revue à la baisse face à la menace sur notre sécurité et à la nécessité de revenir sur des objectifs impossibles à atteindre et dangereux, surtout avec des plans de protection demandeurs d’effectifs dont le nombre se révèle insuffisant. Ces problèmes concernant la sécurité des français n’évoquent que la partie militaire mais n’oublions pas les forces de l’ordre qui rencontrent les mêmes problèmes.
Tout étant question de finances, il aurait été possible de soulever la clochardisation de notre armée faute de crédits suffisants mais cette partie est « hors manœuvre ». Les termes utilisés sur la gestion des effectifs sont l’harmonisation, la simplification, l’amélioration de la maîtrise et l’économie.
Nous constatons cependant que toutes les LPM, RGPP, LOPPSI, livres blancs et autres plans ne sont pas gravés dans le marbre. En effet, le présent rapport apporte les éléments du vote d’une loi rectificative de la dernière loi de programmation militaire et ne fera que reprendre des décisions déjà annoncées par le Président de la République. Faire et défaire……
C’est d’ailleurs cette LPM qui comportera une partie destinée à encadrer la création de futures associations. Sujet qui nous intéresse en premier lieu.
La partie traitant du droit d’association des militaires est avant tout une reprise du rapport Pêcheur. Elle est agrémentée de commentaires à n’en plus finir qui ne font que confirmer le cadenassage du système pour conserver tant que faire se peut une armée muette y compris pour la gendarmerie rattachée au ministère de l’Intérieur. En résumé, six mois pour préparer un texte, probablement quelques heures de débat à l’assemblée et quelques minutes pour le voter.
Mme Gosselin-Fleury est claire il faut que le législateur encadre ce droit nouveau pour éviter de laisser la voie ouverte à toutes les dérives imaginables. Il faut intégrer ces associations dans le système de concertation pour éviter tout débordement. Nous sommes loin des associations loi 1901 qui ne sont que très peu évoquées. M. Marleix fait état de ses très vives réticences d’ouvrir aux militaires la « liberté syndicale » prônée par la CEDH. Selon lui, la gendarmerie est plus que jamais attachée au statut militaire depuis qu’elle est placée sous tutelle du ministère de l’intérieur (ça ne coûte rien de le dire même si un dépoussiérage du statut est souhaité de longue date). Il précise que les développements du sujet sur le rapport ne l’engagent qu’à minima.
Le directeur de la gendarmerie affirme que toutes les avancées obtenues en matière budgétaire l’ont été par son commandement. Ce qui exclu tous avis des instances de concertation ou les soutiens d’associations. Comme à chaque fois, nous avons droit à la description des instances de concertation et de participation qui « jouissent de liberté d’expression » avec l’affirmation qu’elles fonctionnent parfaitement bien et qu’elles font le bonheur des militaires. Nous avons pu apprécier la contribution apportée au débat par la commission de la défense et des forces armées qui a entendu des professeurs, des spécialistes de tous bords, Français et étrangers, mais personne qui fasse partie des associations existantes. Concernant ces dernières, nous avons pu apprécier également la place donnée dans ce rapport à la dernière créée : gendXXI et sa « forte exposition médiatique » ou à l’association de défense des droits des militaires. Nous trouvons seulement quelques rares citations de ce que l’association gendarmes et citoyens, existant depuis près de sept années, a essayé d’apporter au débat. Un traitement à la limite du mépris auquel nous sommes habitués.
Sur l’adhésion aux futures associations le rapport joue sur un manque d’appétence pour celles-ci et le peu d’adhésions, sans tenir compte du fait qu’elles visent des militaires et que beaucoup attendent ce que dira la loi pour se décider à s’inscrire. Le général Favier estime qu’il n’y a pas de réelle demande et que les quelques associations qui se sont lancées dans le vide juridique restent embryonnaires. C’est peut-être aussi pour cette raison que le rapport veut imposer à 2% des militaires le nombre des adhérents avant de les porter à 5% une façon de bloquer l’agrément. Les services du ministère de la Défense, plus honnêtement, n’arrivent pas à évaluer l’engouement pour des associations.
On peut noter que le rapport Pêcheur évoque le risque de l’utilisation des associations par les chefs d’état-major pour faire pression sur le gouvernement ou le parlement. C’est une confirmation que les associations font peur aux politiques qui se satisfont parfaitement de militaires muets. Aujourd’hui face aux décisions de la CEDH, on va essayer de les museler.
Le rapport souhaiterait conserver le dispositif actuel de concertation « qui donne satisfaction aux personnels comme à la hiérarchie » ce qui est absolument faux, avec quelques adaptations même si ce dispositif n’a pas été retenu par la CEDH. Il suffirait d’y inclure les associations qui deviendraient un simple rouage du système. Pourquoi une telle crainte d’associations qui évinceraient le système actuel ? Certainement pas parce qu’il donne satisfaction.
L’idée qui voudrait que les associations représentent la totalité des militaires est une aberration. Nous l’avons déjà évoqué en estimant qu’une association représentant une arme serait déjà une organisation importante demandant un gros effort d’organisation et de gestion. Le général Favier estime que 2000 adhérents à une association pour la gendarmerie est un chiffre approprié qui serait progressivement porté à 5000. Alors dans se cas, pourquoi avoir réduit de 2000 à 800 le nombre de représentants du personnel dans la participation locale ? Nous pouvons marquer un point d’accord avec M. Pêcheur, lorsqu’il dit qu’il faut souhaiter la convergence (inévitable) des systèmes de représentation dès l’instant où les associations ne seront pas gouvernées par les instances de concertation. Cependant, le directeur de la gendarmerie n’y est pas favorable, pas plus qu’au modèle syndical policier. Il rappelle que si le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’Intérieur est une bonne chose, la transposition n’est pas souhaitable (deux poids deux mesures).
Il est prévu d’interdire les associations qui sortiraient des frontières imposées, encore des recours à envisager devant la CEDH. On reparle encore de l’obligation de réserve mais qui peut en fixer les limites ?
L’interdiction d’association catégorielles nous convient tant qu’il s’agit de grades, de subdivisions d’armes de la gendarmerie ou de sexe, mais des associations destinées à englober l’ensemble des forces de notre armée seraient contestables, ce que reconnaît M. Pêcheur. Nous ne souhaitons pas non plus que le dialogue social dérive en une « cogestion » des armées. Ceci ne doit pas empêcher une association de dénoncer des dérives ou dysfonctionnements dans les méthodes de commandement.
Quant aux moyens à donner aux associations, nous souhaitons que cet aspect soit décidé par décrets mais nous ne comprendrions pas que les associations de gendarmes ne bénéficient d’aucune aide alors que d’autres associations proches de la gendarmerie en reçoivent et que les syndicats de policier du ministère de l’Intérieur auquel est rattachée la gendarmerie, soient très largement financés.
La chasse aux retraités qu’on voudrait interdire d’adhérer aux associations n’est pas acceptable. Ces anciens militaires peuvent se révéler particulièrement utiles car disposant de temps à consacrer aux associations. Il est certain qu’ils disposent d’une liberté de parole que n’ont pas les militaires en activité mais il faut quand même penser que ces anciens militaires savent se limiter dans leur droit d’expression. L’association gendarmes et citoyens qui existe depuis de nombreuses années ne s’est pas faite remarquer par des propos exagérés, en tous cas pas plus que se le permettent des élus de la nation. L’association gendarmes et citoyens va plus loin en acceptant dans ses rangs des civils de toutes professions qui se proposent de soutenir leurs gendarmes et d’apporter leurs expériences personnelles à une époque où le lien armée-nation est plus que jamais nécessaire.
Si l’association gendarmes et citoyens (AG&C) ne semble pas bienvenue dans le débat qui a suivi la condamnation de la France par la Cour Européenne des Droits de l’Homme, nous faisons appel à tous les militaires de la Gendarmerie pour qu’ils nous rejoignent et fassent entendre leur voix en adhérent à une association libre et indépendante de la hiérarchie.
Les gendarmes n’ont obtenu le droit de vote qu’après leurs épouses, les militaires ont déjà suffisamment attendu et sont les derniers à n’avoir pas encore le droit de s’organiser dans des associations. Les gendarmes veulent être des citoyens à part entière et non plus des citoyens entièrement à part. Espérons que la future loi se montrera raisonnable et se débarrassera du carcan du présent rapport et de celui du rapport Pêcheur.
Si les gendarmes sont contre le principe des syndicats, les rapports précités apportent trop de restrictions à la liberté de s’organiser et AG&C ne veut pas d’association à minima. Les syndicats de policiers seraient ravis de profiter d'adhésions supplémentaires si le développement des associations professionnelles était contrarié".... Attendons le troisième épisode avec le vote de la loi.
