Alors que la place Beauvau attend toujours le nom de son nouveau locataire, le projet de loi de finances pour 2019 fait des allers-retours entre l'assemblée nationale et le sénat. Avant de s'enfuir chez les canuts, le nouveau maire de Lyon a réussi à remporter des arbitrages avec Bercy concernant un certain nombre de points du budget de la Gendarmerie. Comme s'il avait voulu offrir, en cadeau de départ, une remise à niveau des projets d'équipements ou de fonctionnement qu'il avait eu tant de mal à satisfaire durant son bref séjour, il a rapporté plusieurs dizaines de millions d'euros d'abondements en tout genre. C'est une juste régularisation d'un budget qui s'est avéré insuffisant dès le départ, comme on l'avait souligné au rapporteur du Sénat en 2017.
Des arbitrages gagnants.
Les arbitrages auxquels il s'est livré, ont donc permis de « récupérer » 63 millions € pour le titre 2 (masse salariale) et 23 millions € pour le fonctionnement et l'investissement (carburant GM, équipements de la réserve opérationnelle et des candidats recrutés). Ces crédits permettent de répondre à l'urgence du moment, mais doivent être abondés par la levée de la mise en réserve d'environ 100 millions € dont le sort n'est pas encore tranché par L’Élysée. En septembre 2017, le Directeur Général de la Gendarmerie Nationale a du « s'asseoir » sur plus de 110 millions € de réserve par le seul fait du prince, dont les conséquences furent de suspendre un certain nombre de commandes de matériels et de règlements de loyers. Nous nous étions inquiétés de cette mesure présidentielle, arbitraire et unilatérale, auprès des parlementaires, sans résultat.
Quid de la mise en réserve ?
La Loi de Finances 2018 avait donc placé en réserve une centaine de millions € dont on ignore aujourd'hui encore le sort que le Président de la République pourrait leur réserver. Il faut donc se résoudre à attendre les jours prochains pour savoir si les cibles qui avaient été fixées par l'administration centrale seront atteintes, notamment en matière d'équipements, de véhicules ou de rémunération des réservistes.
Un Projet de Loi de Finances sans ambition.
Le Projet de Loi de Finances (PLF) 2019 est en légère augmentation (1,70%). La poursuite du recrutement des 2500 gendarmes sur 5 ans est engagée à hauteur de 625 personnels en 2019. 300 postes de sous-officiers sont transformés en emplois civils et en CSTAGN. La masse salariale est contenue. On est plus inquiets sur les crédits accordés pour l'entretien du parc immobilier domanial qui s'élèvent à 105 millions € pour l'année 2019. On accumule depuis plusieurs années un déficit dans la rénovation des casernes appartenant à l'état. Selon des sources proches de ce dossier on estime à plus de 300 millions € la somme qui devrait être consacrée pour la rénovation des logements concédés et des locaux de service. Le retard pris depuis plusieurs années est préjudiciable en matière de confort des familles des gendarmes, de sécurité des installations et du coût des réparations supportées par la Gendarmerie ou l'occupant. Le budget pour 2019, de ce point de vue, n'est pas à la hauteur des ambitions de l’État. Nous avions déjà alerté les parlementaires par le passé sur ce sujet et nous renouvellerons nos inquiétudes aux différentes commissions.
Le gendarme de terrain ne réclame que des avancées pragmatiques et réalistes. Pour travailler correctement et en sécurité, il a besoin de matériels qui fonctionnent, de véhicules qui roulent et d'un logement décent pour sa famille. C'est au politique de faire en sorte que ces trois critères soient financés de manière à atteindre les objectifs qu'il fixe pour assurer la sécurité du pays. Ce n'est pas en annulant une mise en réserve obligatoire comme cela a été décidé par le passé qu'il montre toute sa considération à l'égard des gendarmes. En fin d'année 2017, en obligeant le Directeur Général à repousser des paiements ou à surseoir à des commandes, il a déstabilisé durablement le budget de la Gendarmerie.
Les réservistes au cœur des économies.
Le Général Lizurey, contraint par Bercy, a du renoncer à utiliser les réservistes comme les années précédentes. Malgré cette réduction drastique des missions, ceux qui ont été employés seront rémunérés en début d'année prochaine. Il semblerait que le Directeur Général ait donné des ordres pour que les réservistes les plus jeunes soient soldés avant la fin de l'année. Avec la mise en place de l'informatisation des indemnités de réserves, à compter du 1er janvier 2019, leur indemnité sera versée à la fin de chaque mois. On ne peut qu'exprimer une grande satisfaction pour cette décision de bon sens. Mais ce n'est pas au chef d'une institution de pallier les décisions du politique en jonglant avec les lignes budgétaires.
Les arbitrages que le ministre de l'intérieur a conduits sont là pour démontrer que les autorisations de paiement ne suffisent plus à faire fonctionner convenablement l'Institution. D'autant que, sans la levée de la mise en réserve 2018, le nombre nécessaire pour le renouvellement des véhicules réformables ne sera pas atteint. C'est un retard qui s'ajoutera à l'immobilier, à l'informatique ou au cadencement des mesures indiciaires. A ce sujet, en 2016, un protocole a été signé entre le Président de la République François Hollande et le Directeur Général de la Gendarmerie Nationale. Il serait juste que les termes de ce document concernant des mesures catégorielles pour les militaires du corps de soutien de la Gendarmerie soient enfin satisfaites. Doit-on rappeler au Chef de l’État qu'il serait judicieux de respecter le protocole signé par son prédécesseur ?
En conclusion, le budget 2019 pour la Gendarmerie Nationale manque d'ambition. L'augmentation consentie (+1,7%) couvrira à peine l'inflation prévue pour 2018 (entre 1,2 et 1,4% selon les sources). L'état des casernes domaniales, le frein au renouvellement du parc automobile et la baisse des investissements sont autant de sujets d'inquiétude.
La Gendarmerie Nationale est une force humaine, composée d'hommes et de femmes dont l'esprit de sacrifice n'est plus à démontrer. La reconnaissance de son engagement doit se faire à travers de nombreux prismes dont le plus important demeure le budget consenti pour exécuter ses missions. Oublier ce postulat constituerait une grave erreur de jugement.