Une décision du Conseil d’État du 08 février 2022 (numéro 444780) rejette le pourvoi du ministre de l'intérieur qui demandait l'annulation d’un arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille favorable à un gendarme qui contestait ses charges « locatives » de 2013 notifiées en 2017. Ce n’est pas l’hypothétique prescription de la dette qui est évoquée mais bien le mode de calcul des charges mis en œuvre par la gendarmerie en application de sa circulaire du 28 décembre 2011 (n°102 000 GEND/DSF/SDIL/2BR).
Le Conseil d’État confirme que les logements concédés par nécessité absolue de service (LCNAS) bénéficient des mêmes règles applicables aux logements collectifs et l’instruction citée en référence est jugée illégale sur ce point. ILLÉGALE ! C’est ainsi qu’il appartient à la sous-direction du logement et de l’immobilier de corriger la doctrine sous peine de demeurer hors la Loi en voulant persister. Un comble pour une administration chargée de veiller aux règles sociales !
Genèse
Un sous-officier de gendarmerie bénéficie d'une concession de logement pour nécessité absolue de service au sein d'une caserne de gendarmerie. Le 6 avril 2017, un avis de régularisation des charges d'occupation de son logement lui est adressé pour l'année 2013 pour un montant de 601,94 euros. Cette somme intègre les frais de chauffage collectif au gaz, au prorata de la surface habitable du logement occupé par l'intéressé et du nombre de jours de présence, conformément aux prescriptions de la circulaire visée en référence.
Il ose contester la dette et s’adresse à la CRM (Commission des Recours Militaires) qui, sans surprise, rejette sa requête le 9 janvier 2018. Le tribunal administratif de Nîmes, par jugement du 19 mars 2019, fait droit à sa demande et enjoint le ministre de l’Intérieur de lui restituer les sommes prélevées en exécution de la régularisation du 6 avril 2017.
Tenace ou rancunier, mais en tout cas mal inspiré, le ministre de l’Intérieur se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 22 juillet 2020 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a confirmé le jugement de première instance.
L’analyse retenue par le Conseil d’État pour motiver sa décision est intéressante. Le code de la défense impose aux militaires de la gendarmerie d’occuper des LCNAS compte tenu de leurs missions. La gratuité du logement est étendue à la fourniture de l'eau, à l'exclusion de toutes autres fournitures pour ses occupants.
L’aspect concernant le chauffage est abordé avec l’article L. 241-9 du code de l'énergie qui indique que tout immeuble collectif pourvu d'un chauffage collectif doit comporter, quand la technique le permet, une installation permettant de déterminer la quantité de chaleur et d'eau chaude fournie à chaque local occupé à titre privatif. Cette lecture est renforcée par le code de la construction et de l’habitat (article R. 131-2) qui précise que tout immeuble collectif (à usage principal d'habitation équipé d'un chauffage commun à tout ou partie des locaux occupés à titre privatif et fournissant à chacun de ces locaux une quantité de chaleur réglable par l'occupant) doit être muni d'appareils permettant d'individualiser les frais de chauffage.
C’est ainsi qu’il ne résulte ni des dispositions citées ci-dessus, ni d'aucun texte législatif ou réglementaire que les casernements ou locaux annexés aux casernements destinés à l'hébergement des personnels de la gendarmerie nationale titulaires d'une CLNAS seraient, en tant que tels, soustraits aux règles d'individualisation des charges de chauffage instituées par les dispositions du code de l'énergie et du code de la construction et de l'habitation.
Les règles de péréquation instituées par l'instruction du 28 décembre 2011, sur lesquelles l'administration s'est fondée pour établir l'avis de régularisation des charges contesté pour 2013, méconnaissaient la règle d'individualisation des charges de chauffage. Cela, d’autant plus que les logements mis à disposition des gendarmes affectés à la caserne dans laquelle est logé le requérant sont regroupés dans un ensemble immobilier comportant un chauffage collectif et pourvus de compteurs calorimétriques.
Illustration par l’exemple en Vendée
C’est encore un jugement du tribunal administratif de Nantes (44) qui vient consacrer, le 25 octobre 2022, cette lecture juridique défendue par le cabinet de Maître Grégoire TERTRAIS (atlantic-juris sur La Roche-sur-Yon) qui nous autorise à le citer¹.
Le grief est « presque » le même et la requête vise l'annulation, là aussi, d’un avis de régularisation des charges d'occupation du LCNAS mais également le remboursement de l'intégralité des sommes perçues à titre de provisions avec astreinte journalière.
Le Tribunal décide d’annuler, ici également, une décision implicite de rejet de la CRM en date du 20 décembre 2018. La CRM était saisie du recours formé par la requérante à l’encontre de l'avis de régularisation des charges au titre de l'année 2013 (la CRM est presque méprisante à être « hors la Loi »). Mais surtout, le tribunal annule l’avis de régularisation et fait injonction au ministère de rembourser les sommes perçues sous réserve de l’émission d’un nouveau titre établi conformément à la réglementation, soit au visa de relevés individuels de consommation dans le délai d’UN mois.
La jurisprudence étant posée, nous invitons les gendarmes concernés par ce type de litige à se fédérer pour lisser les frais de procédure et ne payer que ce qui a été consommé individuellement et non forfaitairement. Si, juridiquement, le militaire titulaire d'une LCNAS n'a pas la qualité de locataire mais d'occupant, il reste néanmoins un militaire procédurier et soucieux de ses droits. Les devoirs, il les connaît et il est bon de les rappeler à ceux qui font fi des règles.
Kommentare