
La plateforme de l’association professionnelle nationale militaire « Gendarmes et Citoyens » est régulièrement sollicitée sur des questions d’interprétation des directives liées à l’occupation du LCNAS. C’est souvent le fait de camarades qui occupent leur logement personnel dans le privé. Nous n’avons pas à prendre position sur ce débat parce qu’il n’y a pas de débat. Il suffit de reprendre à chaque fois l’ADN du statut du gendarme rappelé et présenté dans l’Instruction n° 35000/GEND/DSFdu 13 décembre 2018 et relative à la concession de logement par nécessité absolue de service des militaires de la gendarmerie pour s’en convaincre.
Nous abordons de manière décomplexée en nous cantonnant à relire les éléments de ce document, simplement, avec une vision neutre les motivations textuelles, à l’instar d’un officier de police judiciaire, à la recherche des éléments constitutifs d’une infraction dans le code pénal.
L'obligation de loger en caserne (ou en local annexé au casernement) est prévue à l’article L 4145-2 du code de la défense qui s'impose à tous les militaires concernés et les prive, par mesure législative, de la liberté de choix de leur domicile consacrée par l’article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH) du 4 novembre 1950.
C’est la priorisation des textes !
Il faut comprendre ainsi que les officiers et sous-officiers de gendarmerie, du fait de la nature et des conditions d'exécution de leurs missions, sont soumis à des sujétions et des obligations particulières en matière d'emploi et de logement en caserne.
Les décrets n° 2008-946 et – 952 rappellent l'obligation statutaire d'occuper effectivement le LCNAS.
Certes le droit évolue (c’est une science vivante, parfois même humaine) et très récemment nous avons suivi avec intérêt l’action menée en référé devant le Conseil d‘Etat où il est contesté les ordres du DGGN demandant aux militaires de demeurer confinés dans leur logement.
C’est un bel exercice procédural et saisir le Conseil d’Etat par le biais d’un référé liberté n’est point chose commune. Il convient de constater tout de même que la requête a été écartée par la juridiction pour deux motifs.
- Il n’y a pas urgence particulière eu égard aux motifs de circonstances (confinement).
- Il n’y a pas d’atteinte grave et illégale au droit des gendarmes au respect de leur vie privée et familiale
Sans attendre la réponse de fond, il ressort que nous disposons en l’état, au moins d’une réponse consolidée et opposable légalement aux camarades qui s’interrogent. Le Droit et rien que le Droit.
Pour mémoire, le Conseil d’Etat est le juge suprême des juridictions administratives, à l'instar de la Cour de Cassation dans l'ordre judiciaire. Il assure ainsi (et normalement) l'unité de la jurisprudence sur le plan national. Par ailleurs, pour certains litiges, le Conseil d'État est compétent comme juge d'appel, voire comme juge de premier et dernier ressort. Dans ce dernier cas ses décisions rendues en réponse à un contentieux sont souveraines et ne sont donc susceptibles d'aucun recours (sauf Révision notamment).
Ainsi encore renforcée par l’appréciation de la haute juridiction, la Direction Générale a produit une Note Express (NE n° 018825/GEND/CAB du 03 avril 2020) qui indique que tout militaire de la gendarmerie est tenu de se conformer aux prescriptions de la discipline générale qui s’appliquent en toutes circonstances, aussi bien durant le service courant que dans les activités relevant de la vie en collectivité.
On aborde désormais la partie répressive pour les éventuels malentendants et si vous observez bien, l’Inspection Générale de Gendarmerie Nationale (IGGN) est servie spécifiquement dans la liste des destinataires de la NE.
Il est ainsi précisé (ou plutôt reprécisé) que tout militaire de la gendarmerie ne respectant pas les mesures édictées par le commandant de caserne s’expose à une sanction, y compris lorsque le non-respect des mesures ainsi édictées est le fait de ses ayant-droits.
Le clou est enfoncé pour ceux qui pouvaient encore en douter sur la concession de logement par nécessité absolue de service (CLNAS) qui … / ... cette disponibilité étant le corollaire du statut militaire. Tout sous-officier ou officier de gendarmerie titulaire d’une CLNAS est dans l’obligation d’occuper.
On ne peut pas revendiquer une “militarité” garantissant des conditions statutaires spécifiques et oublier, par opportunisme ou égoïsme, certains éléments de ce statut. Le logement concédé par nécessité absolue de service est le prolongement évident de la disponibilité des gendarmes. Cette obligation est compensée par une exonération du loyer et le dégrèvement fiscal de son avantage. Il est intimement et réglementairement lié à ce qui fonde son existence depuis huit siècles, comme le sont le port de l’arme, de l’uniforme et l’adhésion aux valeurs de service à la Nation. Les choix individuels de certains doivent être assumés sans remettre en question la Loi et rendre responsable l’Institution.
“La liberté ne peut nous affranchir ni de l'obéissance aux lois, ni des devoirs envers la société.”
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