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La référentocratie !


Dernière annonce en date du ministre de l’intérieur et des outremer, le « référent violences à la condition animale » va être déployé dans les commissariats de police et les brigades de Gendarmerie. On ne fera pas l’affront d’expliquer en quoi consiste la fonction de référent, mais il ne semble pas superflu de rappeler quelle est la doctrine en matière de formation des gendarmes et des policiers. Les fondements de leur profession s’expriment à travers la loi, en l’espèce le code de procédure pénale. Après ce rappel nécessaire, force est de constater que les infractions relatives à la condition animale sont relevées par tout agent ou officier de police judiciaire sans qu’il ait pour autant reçu la nomination de référent. C’est un principe du droit que semble ignorer le premier « flic » de France. A moins que dans l’esprit des technocrates qui l’entourent et le conseillent, les fonctionnaires police et les militaires de la gendarmerie refusent de recevoir les plaintes concernant la maltraitance animale et qu’il faille affecter un agent dédié tout spécialement pour recevoir toutes les réclamations en la matière. En créant cette prééminence, le risque est grand de démotiver tous les autres qui auront beau jeu de renvoyer systématiquement les plaignants vers le référent. Le ministère n’en est d’ailleurs pas à son coup d’essai puisque depuis quelques années, la réponse à une situation difficile ou mettant en cause un service peut se résumer à créer un référent. Les élus se plaignent de la fermeture de la brigade de gendarmerie sur leur secteur, on crée la fonction de référent des élus. Des feux se propagent durant l’été 2022 et voici le ministre qui annonce que 3000 gendarmes seront formés aux atteintes à l’écologie. Les violences faites aux femmes explosent et tout en devenant une cause nationale, des référents VIF (pour violences intra-familiales) voient le jour. Dans cette forêt de « référents » on n’oubliera pas ceux qui exercent dans le domaine de la sûreté, du cyber ou encore des relations avec les établissements scolaires. On attend avec impatience les prochains sujets qui défraieront la chronique médiatique.


On n’est pas à l’abri que les élucubrations de technocrates en mal d’innovation conduisent à un monde dystopique où chaque sujet de société a son propre référent. Un pour régler les problèmes de circulation des trottinettes en ville, un autre pour surveiller la reproduction des tortues d’Hermann dans les espaces protégés, un autre encore pour contrôler les effets secondaires de l’implantation d’éoliennes dans le milieu rural ou le port du maillot de bains dans les camps de nudistes. Déclinée à l’infini, la brigade imaginaire est composée de gendarmes référents de quelque chose en plus des missions habituelles de sécurité publique. Et pour encadrer tous ces référents, le référentiel prévoit un super référent de référents qui est lui-même soumis à un contrôle d’un référent de référents de référents.


Le côté grotesque de ce récit fantasmagorique n’a échappé à personne. La question qui finit par se poser comme une évidence est : « Qui, pour s’occuper des enquêtes judiciaires, de la surveillance générale, du contact avec les gens et de la circulation routière ? » On voit d’ici la réponse de technocrates facétieux. Il n’y a qu’à créer un catalogue de référents pour harmoniser les domaines de compétence, avec à la clé la création de postes dédiés le recrutement de « sachants » pour expliquer à ces besogneux cacochymes qu’avec un référent, le travail qu’ils avaient avant sera réalisé de la même manière, mais avec un titre en plus. Un nouveau paradigme de société pourrait émerger, incarné par des ploutocrates de la pensée, la référentocratie (1).


De là à suggérer qu’il faudrait que les textes régissant les référents soient étudiés par une assemblée de gens représentant leurs pairs, il n’y a qu’un pas. Ce conseil serait chargé de débattre sur les conditions de travail des référents et leurs conditions d’emplois afin éviter les dérives et constituer une force de propositions, voire de confrontation d’idées, soumise à une liberté d’expression sans filtre et sans pression hiérarchique. Cet organe de concertation sera chargée de désigner, à son tour, des référents au sein d’un groupe de relation qui constituerait une courroie de transmission entre les décideurs et les exécutants.


En attendant, la multiplication de ces idées qui se veulent innovantes, complexifie le travail au quotidien de chaque gendarme de brigade dont les missions s’empilent. Devra-t-on désigner un référent chargé de faire remonter les impérities d’une bureaucratie déconnectée des contraintes de la base ?


(1) Le terme référentocratie, du latin « referre/relater », et du grec kratos, « le pouvoir », dérivé du verbe kratein, « commander », est un néologisme qui désigne un mécanisme administratif dans lequel on nomme une personne pour transmettre une doléance particulière à la bonne personne, au bon organisme. Ce dispositif permet de créer un réseau de relations spécifiques et de centraliser les plaintes dans un domaine particulier. Ce terme s’applique désormais à un système interne à une administration dans lequel on donne l’impression que le sujet auquel il se rapporte est pris en compte par la puissance publique, tout en diluant la capacité d’agir. Par extension, la référentocratie peut aussi s’assimiler à botter en touche un sujet de société tout en laissant penser qu’on s’en occupe sérieusement. (Source, wikipingouin)

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