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PROFESSIONNALISATION DES PSIG : LE DIRECTEUR GENERAL DE LA GENDARMERIE REPOND AUX GENDARMES


Lors de l’intervention tragique de Saint-Just (63), il y a quelques semaines, les conditions d’intervention des primo-intervenants furent au cœur du sujet. Dans un entretien exclusif avec l’APNM Gendarmes et Citoyens et en partenariat avec « La Voix du Gendarme », le Général d’Armée RODRIGUEZ, Directeur Général de la Gendarmerie Nationale a bien voulu répondre, sans filtre, aux questions élaborées par des sous-officiers et officiers membres de l’association et affectés dans ce type d’unité.


- Réfléchissez-vous à une réorganisation territoriale de ces unités ? A défaut d'un PSIG à 12 militaires qui agit à la moitié de l'effectif (en fonction des repos, permissions ou récupérations) ne vaut-il pas mieux un PSIG à 24 pouvant intervenir à 12 en unité constituée ?


Les événements survenus à St Just, qui ont coûté la vie à trois de nos camarades et blessé un quatrième, ont confirmé la nécessité de poursuivre et d’accélérer les réflexions déjà en cours sur les primo-intervenants et les unités isolées. L’organisation des PSIG et leur implantation territoriale constituent effectivement un axe de travail majeur.

Deux précisions : on parle à tort de RETEX Ambert ou St Just. Il faut plutôt parler de groupe de travail « primo-arrivants et primo-intervenants » car un certain nombre de décisions que j’ai prises, par exemple, ne sont pas la conséquence d’erreurs qui auraient été commises par nos camarades. Au contraire, ils ont rempli la mission de manière héroïque et avec un professionnalisme et un courage exemplaires. Rien ne peut leur être reproché, bien au contraire. Mes décisions sont le fruit d’une réflexion qui doit permettre à nos camarades exposés dans les premiers instants d’agir en étant le plus possible en sécurité.

Par ailleurs, par primo-intervenants j’entends les unités d’intervention telles que les PSIG, les PI de la Garde ou de la GM, mais aussi les brigades territoriales notamment. Simplement, l’objectif n’est pas in fine de transformer toutes les brigades en PSIG. Pour autant, on réfléchit aussi à ce que nous devons faire pour améliorer les conditions d’intervention des brigadiers par exemple.

L’état des lieux a d’ores et déjà été dressé. A ce jour, 5 compagnies de GD ne sont pas dotées d’un PSIG et sur les 400 PSIG existant, les 2/3 comptent entre 12 et 16 militaires à l’effectif.

Les questions d’effectifs et d’organisation s’intègrent dans une réflexion globale sur les ressources humaines et matérielles de ces unités. Sur ce sujet, j’ai d’ores et déjà décidé de professionnaliser les PSIG, en remplaçant progressivement les GAV de ces unités par des SOG, d’améliorer leur niveau de protection et d’intervention et de rénover leur formation tactique. Les réflexions du GT dédié aux « Primo-intervenants », créé à la suite des événements de Saint-Just, viendront compléter et enrichir ces propositions, notamment sur l’effectif socle (12 actuellement) qui doit permettre d’assurer un contrat opérationnel territorial approprié, tout comme sur la création de PSIG, notamment dans les compagnies qui n’en disposent pas.


- Ne serait-il pas judicieux de mettre en cohérence les effectifs et l'organisation des PSIG afin de permettre un emploi jour et nuit, sous la forme horaire 2/12H (équivalant équipe dans le civil) et ainsi permettre les roulements plus étendus dans le temps ? Cela pourrait éviter la fatigue physiologique qu'entraîne à la longue le travail jour ET nuit en basculant sur un mode Jour OU nuit. Il pourrait même être imaginé un format type BAC, sur la base du volontariat où des personnels ne travailleraient exclusivement que la nuit.


Je suis ouvert à toutes les propositions d’organisation qui peuvent permettre à la gendarmerie de rendre un service de qualité à la population, tout en préservant les conditions de vie et de travail des gendarmes.

Chacun doit d’abord être employé dans les lieux et les créneaux horaires où ses compétences seront le plus utiles à la mission confiée. Si on applique ce principe aux PSIG, l’emploi de ces unités doit se concentrer sur les créneaux et les points du terrain les plus sensibles : il convient par exemple de faire cesser une pratique parfois courante qui consiste à concentrer l’emploi des PSIG sur les deuxièmes parties de nuit. Les militaires réputés les plus entraînés et les mieux équipés de la compagnie sont alors paradoxalement employés sur des créneaux où l’activité est moindre, tant en volume qu’en intensité ! De la même manière, un rythme de travail figé et cyclique ne répond pas à ce principe de bon sens.

Ensuite, chacun doit évidemment pouvoir bénéficier de plages de récupération physiologique. C’est d’ailleurs l’un des effets bénéfiques que nous attendons de la mise en œuvre des dispositifs de gestion des événements (DGE) actuellement en expérimentation dans plusieurs GGD.


- Confirmez-vous l'action, principalement nocturne, des PSIG, seule unité de gendarmerie dédiée à cette tâche actuellement ?


La mission des PSIG ne peut et ne doit être restreinte à la seule action nocturne. Les PSIG appuient et renforcent les unités territoriales sur l’ensemble du spectre missionnel (renseignement, prévention, intervention, appui aux investigations), en tout temps et tous lieux.

L’emploi nocturne, notamment en première partie de nuit, constitue néanmoins, et selon l’analyse locale de la délinquance, une pointe d’effort fréquente. Mais que ce soit l’emploi de jour ou de nuit, les orientations opérationnelles données aux PSIG doivent absolument viser un effet – appliquer un effort – et préserver la réactivité – comme réserve et capacité de montée en puissance.


- Les PSIG vont-ils garder une autonomie dans leur action pour donner suite à la mise en place de la DGE ? Les compagnies, qui ont déjà l’habitude d’utiliser leurs personnels pour des tâches sédentaires ou de casernement, ne seront-elles pas tentées de les intégrer dans le dispositif de gestion de l’évènement à la manière d’un "couteau suisse » ou d’un « jouet » à la disposition du commandant de compagnie ?


L’objectif du DGE, déjà lancé dans plus de 50 GGD, consiste à appliquer de l’intelligence artificielle à l’analyse des situations, avec le but d’optimiser la disponibilité et l’engagement des unités pour gérer les événements. Le recours aux algorithmes offre aux chefs des hypothèses d’emploi des capacités ajustées à la réalité des interventions, notamment nocturnes. Définir ainsi un service au juste besoin doit permettre d’éviter l’autoconsommation et de récupérer de la « disponibilité-gendarme », avant tout au profit des missions non liées à la gestion des interventions et de manière à privilégier la fonction contact.

Dans le prolongement et sur la base de cette analyse, les chefs peuvent organiser des mutualisations de moyens opérationnels des unités sur les périmètres géographiques et les créneaux horaires les plus pertinents. Localement, les choix effectués en lien avec la concertation et pour répondre aux besoins opérationnels peuvent conduire à associer les PSIG, ou pas. Et ainsi privilégier le maintien d’une forme d’autonomie opérationnelle des PSIG. C’est en tout cas ce que promeut la DGGN, en laissant le choix à l’intelligence locale : ne pas inclure les PSIG de manière systématique dans le dispositif, permet de conserver au niveau des compagnies une marge de manœuvre en matière d’appui et de montée en puissance.

L’emploi des PSIG en tâches sédentaires ou en casernement ne constitue certainement pas une norme et encore moins une prescription réglementaire. Je déplorerais si, isolément, quelques-uns se méprenaient encore à ce point sur l’emploi de leur PSIG.


- Les commandants de PSIG sont formés à la gestion du RO durant un stage à St Astier. Quelle est clairement la doctrine d'emploi du PSIG dans ce domaine très spécifique ?


Seuls les EGM ont pour vocation première d’effectuer des missions de maintien de l’ordre, dans la mesure où ils disposent des équipements et des moyens nécessaires à l’exécution de ces missions.

Néanmoins, au regard de la soudaineté de certains événements d’ordre public (rave party, manifestation impromptue…), les PSIG sont parfois engagés en première intention sur des missions similaires. En outre, la crise des gilets jaunes a révélé le besoin de disposer d’une « réserve MO », formée et équipée, en cas de crise majeure : en effet, lors de cette crise sans précédent dans sa durée et dans sa répartition géographique, les unités de forces mobiles n’ont pas été assez nombreuses pour se rendre sur tous les lieux de troubles à l’ordre public en ZGN.

C’est pourquoi depuis mars 2019, les commandants de PSIG et leurs adjoints sont sensibilisés au maintien de l’ordre lors des stages de formation au CNEFG, afin de disposer d’un échelon territorial de la gendarmerie départementale directement apte à agir sur ce type de mission, seulement de manière exceptionnelle, et dans l’attente d’être renforcées par une UFM. Dans tous les cas, les PSIG – seuls ou par regroupement de pelotons – n’ont pas vocation à être employés pour constituer des unités de circonstance au maintien de l'ordre.


- L'affectation de GAV juste sortis de stage ne devrait-elle pas être repensée (avec par exemple un passage obligatoire en brigade avant. En effet, ces personnels arrivent sans qualification. Ils se retrouvent du jour au lendemain confrontés à la misère sociale et à la violence avec comme seule formation 5 semaines de théorie et une base d'intervention professionnelle.) ? Une professionnalisation est-elle à l’étude ? L'affectation de S/off et d’officiers qui ne remplissent pas les conditions de sélection CCPM, et/ou aux qualifications dans l’intervention professionnelle pourrait être remise en question ?


Comme déjà souligné, à la suite du retour d’expérience de Saint-Just, j’ai décidé d’initier la professionnalisation complète des PSIG. Cette réforme ambitieuse, qui nécessite la substitution d’environ 2 900 postes de GAV par des SOG, ne pourra évidemment se concrétiser que dans la durée. Son calendrier fera l’objet d’une attention et d’une analyse précises, en priorisant sans doute les unités isolées et difficilement "renforçables" sous court délai.

Ensuite, au-delà de la question des aptitudes physiques et opérationnelles spécifiques aux missions des PSIG, le retour d’expérience de Saint-Just a surtout souligné des marges de progrès en matière de formation tactique. C’est pourquoi j’ai décidé de rénover cette formation tactique au sein des PSIG, notamment en sollicitant l’expertise de l’armée de Terre, pour profiter de l’expérience en opérations extérieures et de la maîtrise tactique de l’engagement sous le feu.

En complément, le niveau de protection et la capacité de réaction des primo-arrivants et intervenants (PSIG) sera amélioré, grâce à une dotation en équipements qui sera durcie.


- Les régions organisent des stages d'évaluation des PSIG. Quelle est la sanction en cas de défaillance d'un PSIG ? Ne serait-il pas plus efficace d'imposer un stage de formation complémentaire, particulièrement axé sur la mise situation de cas dégradés pour le commandement et les exécutants ?


A ce stade, les stages de recyclage menés au sein des régions peuvent conduire à diverses mesures, depuis un plan d’action ou de formation adaptée jusqu’à une nouvelle évaluation de l’unité. Dans des cas extrêmes de nécessité avérée, des mesures RH peuvent être prises. Ces mesures de gestion, prises par le commandement local afin de s’assurer de la sécurité des personnels en intervention, ont toujours pour objectif l’intérêt du service. Elles ne sont pas – et ne doivent pas être considérées comme – des sanctions.

Le projet de création de centre régionaux de formation, que je porte dans le cadre du Beauvau de la sécurité, doit permettre d’améliorer encore ces stages, en renfonçant justement la formation de l’encadrement et les mises en situation réalistes pour les unités. Ce sera aussi l’occasion d’initier une réflexion sur une harmonisation nationale des contenus de formation et d’entraînement.


- Les récents évènements ont montré que le PSIG est l'unité de force de proximité, disponible et engageable immédiatement. Les matériels en dotation dans les PSIG « sabre » vont-ils être généralisés à tous les PSIG (fusils d'assaut, boucliers balistiques, protections individuelles, radios) ? Le PSIG se voit doté de matériels collectifs de protection lourds (gilet et casque) qui accélèrent leur dégradation. Peut-on penser affecter un pack par personnel sous-officier ?


C’est là, sans doute, la première et principale leçon que je retire de cet événement : le besoin d’un renforcement, voire d’un « réarmement », des capacités des compagnies de GD, à mettre sans doute dans la main des PSIG. Cette mesure fait partie de celles qui ont été décidées dès fin janvier, et sur lesquelles la DGGN travaille activement.

Afin de fixer le bon niveau de dotation, la réflexion portera sur une analyse des capacités rapportées à chaque territoire et à ses spécificités, en priorisant les unités isolées et/ou éloignées des unités d’intervention spécialisée.

Concernant les matériels de protection, la dotation d’un pack par SOG, comprenant gilet lourd, casque et autres équipements nécessaires, constitue un chantier qui n’est aujourd’hui budgétairement pas à notre portée. Aussi nous allons chercher à progresser par étapes. Déjà, et à titre d’exemple, une nouvelle housse tactique modulaire 3 en 1 sera prochainement déployée au sein des PSIG en primo-dotation. Cet équipement remplit la fonction de gilet tactique, de housse de gilet pare-balle à port discret et de porte-plaques (« gilet lourd »). D’autres mesures suivront.


- Concernant la tenue des PSIG, un sondage national a été effectué en novembre 2019. Envisagez-vous une uniformisation de celle-ci ? Sera-t-elle disponible sur VETIGEND pour tous les militaires de PSIG ?


Des réflexions relatives à la tenue étaient déjà en cours, dans le cadre de la commission GD et de la commission de la tenue. Depuis peu, c’est le ministre lui-même qui a souhaité que la question des tenues soit traitée dans le cadre du Beauvau de la sécurité.

Sans attendre, nous avons donc déjà des pistes. Un sondage totalisant plus de 5 000 réponses a permis d’identifier les attentes du terrain. Nous nous orientons vers l’adoption, pour les PSIG, d’une tenue se rapprochant de celle équipant actuellement les PSPG. Dans ce cadre, le groupe d’utilisateurs référents (GUR) s’est réuni à la DGGN au mois de juillet 2020, puis les PSIG de Meaux et l’Isle-Adam ont été désignés pour expérimenter, dans les semaines qui viennent, divers effets (dont une chemise UBAS) qui équiperaient alors l’ensemble des PSIG à l’horizon 2021.

 

Pour finir, l’intervention de Saint-Just nous a tous profondément affectés. Elle nous commande de réagir vite, avec les mesures les plus adaptées. Si les nombreuses propositions issues du travail de retour d’expérience doivent encore faire l’objet d’une analyse plus poussée, j’ai décidé de poursuivre dix orientations, dont je souhaite qu’elles connaissent une rapide mise en œuvre, comme j’ai pu en détailler certains aspects, ici synthétisées :


  1. Engager la professionnalisation des PSIG.

  2. Améliorer le niveau de protection et d’intervention des primo-arrivants et intervenants (PSIG). Une réflexion qui englobe également les pelotons d’intervention de la gendarmerie mobile et ceux de la Garde républicaine et, naturellement, les brigades.

  3. Rénover la formation tactique de ces unités, notamment en allant rechercher l’expertise de l’armée de Terre.

  4. Renforcer la formation des officiers à la conception de manœuvre et à la conduite des opérations.

  5. Créer 13 Centres de formation régionaux (CFR).

  6. Mieux réaliser le commandement et l’encadrement des unités.

  7. Améliorer le soutien psychologique de la « première heure ».

  8. Fournir aux unités, dans les meilleurs délais, un guide pédagogique sur les mesures pouvant être prises en matière de saisie d’arme. Également une présentation des effets des armes à feu et du pouvoir vulnérant des différents types de munitions.

  9. Repenser la mission et valoriser le statut des stages MIP, et les inscrire dans le cadre d’un « D.A. revisité », c’est-à-dire une formation MIP augmentée d’un bloc combat/manœuvre.

  10. Établir, dans un délai court, une doctrine du secourisme opérationnel et conduire une réflexion sur la formation, les équipements individuels et leur répartition territoriale.

Ces premières mesures doivent en appeler d’autres. Elles doivent donc se prolonger et s’enrichir dans un GT dédié aux « Primo-intervenants », afin d’envisager d’autres mesures complémentaires, dans la durée.

Ces mesures auront des incidences RH. Elles impliqueront des dotations matérielles et la révision de doctrines opérationnelles pour les unités de terrain. Leur coût devra être réaliste, mais ne saurait être bloquant. Car pour progresser, il faudra investir : dans les ressources humaines, dans les capacités techniques et tactiques, dans les équipements. Un investissement indispensable, pour lequel nous ferons notre part d’efforts, mais qui devra aussi compter sur un appui au plus haut niveau. Un investissement qui se fera aussi progressivement : procéder à des achats peut aller vite, mais construire des capacités, autour de militaires formés et aguerris maîtrisant les moyens qui leur sont alloués demande du temps et implique l’engagement de tous (recrutement et formation, encadrement et commandement, entraînement individuel et instruction collective, etc.).

Il s’agit d’un objectif commun que nous nous fixons collectivement.

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