La réalité des dysfonctionnements de l’administration française vient de rattraper le microcosme politico-médiatique offusqué par des pratiques qui sont ordinaires depuis de nombreuses années. D'une difficulté structurelle en raison d'une législation perpétuellement en mouvement et d'une idéologie catégorique de certaines élites, on a pointé du doigt les bégaiements d'une préfecture à travers son représentant. Le préfet du Rhône en fait les frais et le service de l'éloignement incriminé va certainement connaître des remaniements importants. Pourtant, on peut s'interroger sur une crédulité feinte et inacceptable de ces pseudos commentateurs de l'actualité. Il n'y a plus d'infraction à la loi pénale concernant la situation irrégulière des étrangers en France depuis le 31 décembre 2012. Ce qui était déjà systématiquement classé par les parquets qui ne voulaient surtout pas entendre parler de ce délit, avant cette date, venait donc d'être purement et simplement déclassé en simple mesure administrative. D'ailleurs, le Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) créé en 2004, fut le fruit d'une longue analyse des différentes pratiques ou plutôt « non-pratiques » de certaines administrations en matière de reconduite à la frontière. L'examen d'un étranger en séjour irrégulier sur le territoire français qui doit s'appuyer sur des éléments objectifs pour décider de son sort, ne répond plus qu'à un seul critère. La disponibilité de celui qui doit signer la décision. Dans de nombreuses unités ou services, le phénomène est prégnant. Il ne faut pas interpeller un étranger du vendredi après-midi au lundi matin ou les jours fériés, car ce seront ces services interpellateurs qui subiront les désagréments d'une administration absente ou quasiment. Ensuite, se greffent toutes les étapes d'un parcours insurmontable. La place dans les Centres de Rétention Administrative, les délais de rétention, la disponibilité des forces de l'ordre pour escorter l'individu, l'envie ou la peur de celui qui, au bout de la chaîne, a le devoir de prendre une décision. Mais ce qui guide le plus souvent la décision finale, c'est la politique choisie par ceux qui gouvernent. Quand on ne donne pas ou plus de directives formelles, quand on minimise les chiffres concernant l'immigration irrégulière et quand par un passe-passe sémantique, on nomme ceux qui entrent dans l'illégalité dans le territoire, des migrants, il n'y a pas à s'étonner que ceux qui sont chargés de lutter contre ces phénomènes, lâchent prise. Montrer du doigt les pseudos dysfonctionnements d'une administration abandonnée en la matière, sans prendre de véritables mesures pour faire respecter le CESEDA reléguera ces fonctionnements critiquables à un simple incident de parcours.
Sauf que derrière la découverte par les médias et le ministre de ces pratiques habituelles, on déplore l'assassinat de deux jeunes femmes, victimes d'une erreur administrative à défaut d'être une erreur de la nature. C'est à leur famille que les gouvernements successifs doivent des explications sur un laxisme institutionnalisé en matière d'immigration irrégulière. Enfoncer des portes ouvertes n'a jamais produit que des courants d'air. Il serait temps que ceux qui président à la destinée de la France prennent conscience que, sans rigueur, il ne peut y avoir de sécurité.